haut

Technique

par Prune Lieutier

L’explosion des potentiels techniques, et leur démocratisation, permettent aujourd’hui aux producteur·rice·s de contenus narratifs jeunesse de pouvoir composer avec une multitude de possibilités lorsque vient le temps de choisir les supports, techniques et composantes interactives de leur récit numérique. Cependant, les technologies comme les supports de diffusion comportent de nombreux défis, souvent méconnus des producteur·rice·s de contenus.

Ce module s’attachera à la fois à détailler les enjeux liés aux supports d’exploitation principaux, à envisager les impératifs techniques du développement de contenus mais aussi à fournir des clés de compréhension permettant aux producteur·rice·s et éditeur·rice·s de faire des choix techniques éclairés au regard de leurs intentions créatives et de leurs publics. 

Mots-clés : Tendances de marché ; Avenues de distribution ; Modèles d’affaires

Liens intermodules : Module scolaire ; Module métier ; Module marché

Tables des matières

  1. Les citations-clés
    Des citations pertinentes issues des entretiens de recherche.
  1. Les observations
    Les observations principales issues de la recherche, à la fois théoriques et de terrain.
  1. Les 5 conseils clés
    Des conseils issus des observations de terrain pour soutenir les stratégies et la gestion des éditeur·rices.

Citations-clés

« Les profs sont déjà débordés alors si on leur propose une solution technologique pour laquelle ils doivent faire 100 heures de formation pour arriver à la maîtriser, c’est un frein. Ils n’iront pas présenter à leur classe quelque chose avec dont ils ne sont pas sûrs que ça fonctionne. »

J.F. Cusson, Bibliopresto

« Plein de modèles différents [coexistent au Labo de l’édition], mais ce sont des petites équipes, en moyenne de deux ou trois personnes, et sans nécessairement l’expertise technologique en interne. Et ça c’est une grosse problématique, généralement, pour eux, de trouver des développeurs.  Un développeur se fait payer très cher aujourd’hui parce que c’est une ressource rare. Certains n’ont pas les moyens de le payer et donc, voilà, ils ont du mal à avoir des développeurs. Encore plus avoir un CTO qui permettrait de faire les bons choix techniques, donc il y a pas mal d’erreurs qui se font à ce stade-là, c’est-à-dire que très souvent ils vont développer quelque chose qu’ils vont être obligés de mettre à la poubelle pour redévelopper, parce que quand ils vont grandir, ça aura du mal à passer à l’échelle ou ils vont s’apercevoir que ce n’était pas le bon choix technique pour la suite. »

N. Rodelet, Labo de l’édition

« [Du fait de la richesse du contenu], l’application est très lourde. Elle fait 2 giga et du coup c’est l’un des freins à sa pérennité sur les dispositifs parce que effectivement en capacité mémoire c’est trop important ».

A. Laborderie, Bibliothèque nationale de France

« Je pense que parmi les choses auxquelles réfléchir vraiment bien, il y a aussi le type d’appareil. Au départ on avait développé iOS et Android, parce qu’on se disait qu’on voulait être sur toutes les tablettes, puis rapidement on s’est rendu compte qu’Android est vraiment plus complexe. »

V. Fontaine, Fonfon

« On ne possède pas de technologie, on n’en maîtrise pas juste une, on les connaît à peu près toutes, il y en a plein qu’on ne connaît peut-être pas, mais si on croit à un moment donné que ça peut servir un propos, c’est là qu’on va aller la chercher, qu’on va l’étudier, l’emmener vers où on veut aller, puis qu’on va l’utiliser pour développer le service, le produit, le projet. »

C. Lebel, Akufen

Les observations

L’accessibilité économique des technologies de production et de réception de contenus permet aujourd’hui à toute personne équipée de simples appareils disponibles en grande distribution de devenir consommatrice, voire créatrice de contenus, et à un coût minime. Les technologies plus poussées, elles aussi, sont sorties pour beaucoup de leur niche et sont devenues de plus en plus accessibles.

Il n’est pas rare aujourd’hui de rencontrer des projets, qu’ils soient artistiques, publicitaires, scientifiques ou autres, incluant des composantes de réalité augmentée, d’interactivité, d’immersion, de géolocalisation, mettant, pour beaucoup, l’utilisateur·rice au cœur du dispositif. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les dernières versions des tablettes Apple et Samsung intègrent des dispositifs de création de modules de réalité augmentée permettant une appropriation très facile par des non professionnel·le·s.

En parallèle, ou incidemment, se développent chez les utilisateur·rice·s / lecteur·rice·s des dispositifs de lecture et d’interactivité de plus en plus complexes et recherchés. Ainsi, les veilles régulières de tendances du Fonds des médias du Canada, l’un des plus importants financeurs de projets numériques du pays, démontrent un usage en évolution de technologies telles que la réalité virtuelle (celle-ci étant, cependant, en courbe descendante), la réalité augmentée, les bornes audio, etc.

Ces dernières années, plusieurs œuvres grand public utilisant ce type de technologies ont d’ailleurs été mises sur le marché en lien avec ces tendances : pour ne citer que quelques exemples canadiens, nous pourrions ainsi évoquer le Club des créatures mystérieuses (La boîte à pitons, 2017), ou Ennemi (Office national du film, 2017), qui utilisent des mécanismes de réalité augmentée, ou encore Wuxia le renard (Hello Architekt, 2016), qui permet une reconnaissance vocale déclenchant des animations et interactivités.

Il est ici intéressant de noter que le dernier rapport de tendances du Fonds des médias du Canada, publié en janvier 2019, intègre aussi l’intelligence artificielle « créatrice » comme une tendance à surveiller pour les années à venir :

« Que ce soit pour des images fixes, en mouvement ou encore dans le son, les essais nous poussent à redéfinir les contours de la créativité, la nôtre, mais aussi celle des machines, le tout dans un esprit de collaboration. Raconter des histoires ensemble, entre humains et machines. Le public peut déjà s’approprier cet élan d’exploration de la cocréation avec les histoires interactives des haut-parleurs intelligents. Serait-ce là un premier pas vers la démocratisation de ces processus? »

Rapport sur les tendances 2019, Fonds des médias du Canada. 

Par ailleurs, au-delà de la production, la diffusion n’est pas en reste : la blockchain, la diffusion en continu ou autres, viennent réinventer les pratiques d’affaires et les planifications de mise en marché, et offrir des avenues nouvelles aux producteur·rice·s.

Ces nouvelles réalités, ces nouveaux appareils, ces nouvelles manières de créer complexifient le travail des éditeur·rice·s, de leurs choix créatifs à leurs stratégies de mise en marché.


Observation 1. Des freins techniques inhérents à la production et liés aux différents supports d’exploitation

La pluralité des systèmes d’exploitation impose de nombreuses contraintes en conception, en design, en développement et en programmation, et entraîne de nombreuses variations de coûts. Ainsi, différents systèmes d’exploitation sont envisageables dans le cadre d’une production numérique, chacun recelant son lot d’avantages, d’inconvénients, et de contraintes.

À ce jour, les trois supports permettant de publier une œuvre numérique non homothétique sous forme d’application sont iOS, Android, et les applications web.

iOS est le système d’exploitation d’Apple, accessible sur les téléphones iPhone et tablettes iPad et, pour certaines applications, les ordinateurs Mac, lié au App Store.

Android est le système d’exploitation de Google, associé à la plateforme de vente Google Play.

Enfin, les applications web sont téléchargeables via un site internet et peuvent être utilisées sous la forme d’une interface en ligne sur un ordinateur ou comme une application lorsque téléchargées via un téléphone intelligent ou une tablette, quel qu’en soit le modèle ou le fabricant. Cependant, ces dernières offrent moins de libertés techniques quant au niveau de complexité et d’interaction des contenus.

Il est également important de noter qu’il existe de plus en plus d’applications destinées aux tablettes Windows, mais cela reste confidentiel au regard des géants Apple et Android et nous n’en avons pas observé dans le cadre de notre recherche.

Par ailleurs, bien entendu, différents formats d’œuvres existent hors application, notamment via des plateformes en ligne, forme adoptée, entre autres, par le projet Tout garni (La Pastèque, 2017). 

Dans le domaine culturel, les applications sont majoritairement présentes sur le support iOS. Cette différence Apple-Google, bien qu’aujourd’hui moins prégnante, est probablement liée à la fois à une préférence des utilisateur·rice·s pour les tablettes iPad dans le cadre de leur vie familiale (Android étant généralement plutôt associé aux pratiques professionnelles), mais également, du point de vue de la production, parce qu’iOS présente l’avantage important de proposer une uniformité de ses plateformes de diffusion (téléphone, tablette ou ordinateur), offrant du même coup la possibilité de concevoir une interface adaptable à différents supports à moindre coût (le design, le design d’interfaces et la conception des écrans pouvant être adaptés sans modifications majeures entre les différentes plateformes). Cette réalité est bien entendu favorisée par les créateurs iOS dont l’objectif commercial est de soutenir l’adhésion à ce système d’exploitation.

A contrario, le développement d’une application Android est plus complexe : le nombre et la diversité des modèles de supports (tablettes comme téléphones intelligents) qui y sont associés demandent aux producteur·rice·s un important effort d’adaptation de leurs contenus, afin de s’assurer d’une utilisation harmonieuse sur chacun.

La distribution sur ces plateformes doit ainsi être pensée dès les premiers temps de la conception, afin de garantir l’adéquation des formats aux systèmes d’exploitation et supports techniques et, du même coup, le temps de travail nécessaire à ces adaptations intégré dans les échéanciers et budgets. Au-delà des charges financières reliées, ces contraintes imposent l’obligation de constituer des équipes disposant de grands niveaux d’expertises, souvent spécifiques et donc, pour la très grande majorité des éditeur·rice·s, l’obligation d’externaliser. 


Observation 2. Des contraintes liées à la mise en ligne et à la pérennité des produits 

App Store comme Google Play exercent un contrôle étroit sur les publications faites sur leurs plateformes, notamment en termes de contenus, et plus particulièrement lorsque les contenus ciblent les jeunes publics. Si cela peut être, à bien des égards, une protection appréciable et même nécessaire pour les enfants qui pourraient y avoir accès, cela peut parfois avoir une incidence fâcheuse sur les échéanciers de production tout d’abord (Apple, en particulier, pouvant prendre plusieurs jours voire semaines pour valider et permettre la publication d’une application), mais parfois également sur les contenus en eux-mêmes, les producteurs pouvant être amenés à moduler leur contenu afin de s’assurer d’une approbation.

De surcroît, certaines productions peuvent même tout bonnement être refusées par l’une ou l’autre, voire les deux plateformes, réduisant à néant des mois de travail. 

À titre d’exemple, le projet des Jeunes pousses, un groupe-école d’étudiant·e·s de l’UQAM intégré à l’ONF afin d’y développer un projet d’application dont ils·elles sont les maîtres d’œuvre, s’est vu refuser l’accès à Apple Store et Google Play. Ce projet, intitulé Clit-moi, visait les jeunes adultes. Il traitait de l’orgasme féminin et cherchait « à démystifier le clitoris au moyen d’un volet pédagogique et ludique » (Grignon-Francke, 2018).

Dans un article La Presse+ dédié à cette affaire daté de novembre 2018, la journaliste Isabelle Grignon Francke précise : « lorsqu’on soumet une application aux géants Apple et Google, le produit doit se conformer à une série de politiques et de paramètres techniques assurant sa mise en ligne de façon adéquate ».

« Lorsqu’une application est publiée sur l’App Store ou sur Google Play, il y a une intervention humaine. Il y a quelqu’un qui applique des politiques, mais ils ne peuvent pas déterminer s’il s’agit ou non d’une œuvre d’art », souligne Guillaume Déziel, spécialiste de la culture numérique.

« Ceux qui appliquent les politiques sont souvent des travailleurs payés 20 $ de l’heure environ qui disent oui si y et non si x », précise Sebastien Fitch, professeur en enseignement des arts à l’Université Concordia.

Ces éléments techniques peuvent donc mettre dans l’embarras même les producteur·rice·s les plus expérimenté·e·s. Il va sans dire que, lorsqu’il s’agit pour un·e éditeur·rice jeunesse d’une première incursion dans le domaine de la production numérique, ils peuvent parfois s’avérer insurmontables et mettre à mal des projets qui ne rentreraient pas dans les cadres des systèmes de contrôle des plateformes de vente d’applications en ligne.

Au-delà même de la phase de mise en ligne des contenus sur les plateformes, de nombreux freins techniques existent encore durant la vie du produit. En effet, les mises à jour régulières des systèmes d’exploitation iOS et Android ont souvent pour conséquence l’impossibilité de maintenir l’accessibilité des contenus pour les usager·ère·s qui en auraient fait l’acquisition, ou qui souhaiteraient les acquérir. Ainsi, si les producteur·rice·s elles·eux-mêmes n’adaptent pas les contenus mis en ligne au fur et à mesure des mises à jour des systèmes d’exploitation, ceux-ci vont se retrouver perdus. Or, ces adaptations sont coûteuses, en ce qu’elles impliquent des frais additionnels de développement et de programmation, des frais souvent non anticipés dans les budgets de production et non inclus dans les contrats de services des studios de développement, tout du moins au-delà des trois premiers mois de vie des contenus en ligne.

À chaque mise à jour, ce sont ainsi de nombreux contenus qui disparaissent, ce qui pose également la vaste question de la pérennité de ces œuvres, qui nécessite une conservation liée des supports en permettant la lecture. 


Observation 3. Une nécessité d’accompagnement technique des équipes

Au cours de nos recherches, nous avons pu constater, en complément du besoin de formation des acteurs éditoriaux aux pratiques de travail dans le domaine de la production numérique, un réel besoin de soutien et d’accompagnement technique, qu’il s’agisse de la connaissance des possibilités existantes ou de leur implantation. Au-delà de leur propre formation (de gestion, technique ou autres), les acteurs du domaine éditorial soulignent le besoin d’accès à des conseils techniques, afin de comprendre et d’envisager les possibilités technologiques, leurs coûts ainsi que les échéanciers et défis de développement. 

De surcroît, les dispositifs technologiques sont en constant développement, ainsi que les potentiels d’utilisation qu’ils permettent d’envisager. Les éditeur·rice·s souhaitant s’aventurer dans le domaine numérique manquent de repères et de réflexes de veille leur permettant de s’outiller adéquatement et de développer des projets en lien avec les tendances de marché et leurs intentions créatives.

Ces besoins concernent à la fois la connaissance des différents supports technologiques (ordinateurs, téléphones intelligents, tablettes intelligentes, lunettes de réalité virtuelles, objets connectés, tableaux blancs interactifs, bornes intelligentes, etc.), des systèmes d’exploitation (iOS, Android, Windows, etc.), des dispositifs technologiques (réalité augmentée, réalité virtuelle, dispositifs interactifs tactiles, géolocalisation, chronolocalisation, intelligence artificielle, etc.), des interactivités (frottement, basculement, 360 degrés, reconnaissance vocale, clic, souffle, etc.), voire des genres numériques (livre-application, bd en ligne, contenus liés à une temporalité, contenus à architecture complexe, etc.).

Selon Christian Lebel, directeur technologique et associé, à la fois du studio de création Akufen et de l’entreprise de production numérique jeunesse La boîte à pitons, l’intervention d’un·e spécialiste technique très tôt dans le processus permettrait en premier lieu de s’assurer d’éviter des écueils liés à l’inadéquation des choix techniques avec les intentions créatives, les publics cibles, ou encore les réalités de la mise en marché liées.

Sur ces deux derniers points, il s’agit surtout pour les éditeur·rice·s de réaliser des choix techniques (en termes, notamment, de supports technologiques, de systèmes d’exploitation ou d’interactivités) qui soient pertinents au regard de la réalité d’usage des publics visés. 

Ainsi, un projet à vocation première éducative, par exemple, et ayant pour objectif une distribution en classe, aura intérêt à prendre en considération l’éclectisme des dispositifs techniques présents dans les classes au Québec ou ailleurs, ou encore la capacité des enseignant·e·s à en faire l’usage via un tableau blanc interactif. Si le projet a une vocation plus large que le Québec, et que les équipes souhaitent opérer une mise en marché au sein du système scolaire français, par exemple, il sera important de considérer que les équipements présents sur ce marché sont majoritairement des tablettes Android, et non des tablettes Apple. 

S’il s’agit de toucher un très jeune public, des interactivités telles que le souffle, difficilement assimilables par les tout-petits de manière efficace, seraient à éviter. De la même manière, une expérience trop longue au regard du temps d’usage autorisé généralement par les parents pour leurs enfants de moins de 5 ans manquerait sa cible.

Par ailleurs, il est important que, dès le début de la conception et notamment à l’étape de la budgétisation, les porteurs de projets aient conscience de différentes réalités, telles que le besoin de prévoir des dépenses de mises à jour au fil des évolutions des systèmes  d’exploitation. Ainsi, chaque projet nécessite un examen attentif, afin de s’assurer de pouvoir réellement proposer une expérience valide au regard des capacités, balises, défis et enjeux de distribution et d’usages par les publics. Les combinaisons projets / solutions techniques sont donc infinies et sont difficiles à comprendre lorsque l’on ne possède pas une connaissance large des possibilités. 

Pour conclure, il semble essentiel d’être en mesure d’accompagner les éditeur·rice·s jeunesse dans leurs choix technologiques dès la prémisse de conception de leur projet. Selon les observations que nous avons pu faire dans le cadre de notre recherche, de mauvais choix en phase de conception ont en effet des conséquences directes sur la viabilité des projets, notamment par l’ajout de surcoûts ou de retards de production, du fait notamment de sous-évaluations budgétaires ou humaines.  


Les 5 conseils clés

Conseil #1

Intégrer la réflexion technique, à la fois sur les choix technologiques et les plateformes de distribution, dès l’étape de l’idéation du projet, mais aussi aux étapes subséquentes, afin de réfléchir de manière concertée sur les possibilités et contraintes techniques en lien avec l’intention créative, les publics visés et les réalités budgétaires. 

Conseil #2

Penser les interactions en les systématisant, afin de rationaliser les coûts de développement et de créer des habitudes d’usage chez les jeunes lecteur·rice·s. 

Conseil #3

Prendre en considération la réalité des usages et des taux d’équipements lors du choix des avenues de distribution du projet numérique. 

Conseil #4

Anticiper les coûts de mise à jour des produits numériques dès la budgétisation initiale afin de les pérenniser malgré l’évolution des systèmes d’exploitation et des plateformes de distribution. 

Conseil #5

Anticiper les délais d’approbation des plateformes de distribution dans l’échéancier de production et de commercialisation des projets.

Comment citer cette page :
Lieutier, P. (2021, 12 avril). Technique. Lab-yrinthe. https://lab-yrinthe.ca/edition/technique