haut

Culture numérique

Fiche concept rédigée par Amélie Vallières et Emmanuelle Lescouet

Introduction

Le numérique s’est infiltré dans toutes les pratiques du quotidien : il permet de communiquer facilement, de s’organiser, d’écrire et de lire, de se divertir… Cette diversité de pratiques constitue une culture large et variée, construite en parallèle à la culture analogique,en perpétuelle conversation avec elle, notamment dans ses aspects les plus populaires (Fluckiger, 2008). 

Subdivisée en de nombreux groupes et sous-groupes possédant chacun leurs propres identités, codes et références (Cardon, 2020), la culture numérique est loin d’être un monolithe. Pour la comprendre, il est important de prendre en compte la multiplicité des expériences qui la constituent, lesquelles dépassent les divisions géographiques ou générationnelles, pour se concentrer sur les diversités de pratiques et d’intérêts. Ces intérêts poussent les individus à se retrouver dans des communautés, limitant l’infini du numérique et d’Internet à un ensemble de centres d’intérêt partagés (Jenkins et Deuze, 2008).

Un autre défi pour aborder cette culture est sa perpétuelle évolution : les usages changent à grande vitesse et selon des transformations techniques soudaines.

Au-delà même des développements liés à la popularisation de supports,d’outils ou de logiciels, les modes et les tendances de la culture populaire viennent influencer à leur tour la culture numérique, laissant chacun·e s’emparer de ces esthétiques et imaginaires.

Nous aborderons cette diversité à travers six aspects particuliers : technique, technologique, haptique, esthétique et nostalgique. Enfin nous nous intéresserons aux codes implicites qui lient cette communauté culturelle numérique au-delà des caractéristiques explicites énoncées dans les autres aspects.

Aspect technique 

La culture numérique repose sur un ensemble d’outils devenus des habitudes communes dans la société contemporaine. Ces outils sont souvent impliqués dans de nombreux aspects du quotidien : la gestion du courrier électronique, la participation aux réseaux sociaux ou la prise de photographies à l’aide d’un téléphone intelligent, par exemple.

L’apparition de ces nouveaux possibles coïncide avec celle de nouvelles pratiques qui s’ajoutent ou remplacent des usages existants.

Aspect technologique

La culture numérique repose en grande partie sur des possibles technologiques : l’apparition de nouveaux supports, de nouvelles interfaces, etc. Certain·e·s s’y intéressent de plus près, ce qui permet de tester et mettre en place de nouveaux usages, parfois en abandonnant ceux qui ne répondent plus à leurs attentes. 

Cette culture est intimement liée aux supports qui la rendent accessible : les ordinateurs, les téléphones intelligents, les consoles de jeux et les casques de réalité virtuelle, par exemple. Elle repose en grande partie sur l’appréciation des codes électroniques et informatiques : la fierté d’un disque dur surpuissant, l’amour des musiques en 8 bits, l’attente du prochain modèle de téléphone intelligent, etc.

Aspect haptique

La culture numérique comporte un fort aspect haptique : elle nous habitue à manier de nouvelles technologies, elle nous pousse à intégrer un ensemble de gestes (p. ex. contact sur un écran tactile, appuyer sur « entrée » sur un clavier, défilement et insertion de texte…). Ces habitudes deviennent signifiantes au point de constituer une grammaire à part entière, un ensemble de codes régissant les manipulations et interactions avec les contenus (Bigé, 2018). En entrant dans le corps de chacun·e, les compétences haptiques intègrent les habitudes du quotidien et deviennent des manières de faire aussi intimes qu’ordinaires.

L’habitude de coupler gestes et commandes pousse les programmeurs à les inclure plus largement, nourrissant à leur tour les habitudes établies. Une fois l’habitude installée, ces gestes ne sont plus expliqués. Il peut alors devenir plus difficile d’apprendre les prérequis attendus pour les néophytes. 

Aspect esthétique

Comme dans tous les aspects de la culture, un ensemble de tendances autant graphiques que sonores ou visuelles évoluent en parallèle des avancées technologiques. 

Chaque époque a ses propres goûts : des couleurs favorisées, des habitudes de compositions, des sonorités, etc. Cela vaut également pour des questions techniques. Ces évolutions sont le reflet d’artéfacts culturels marquants, tels des univers médiatiques particulièrement populaires. 

Un exemple usuel pourrait être les évolutions des interfaces graphiques sous le système d’exploitation de Windows : les fonds d’écrans étaient des manifestes des tendances esthétiques numériques de chaque époque, permettant, avec le recul, d’avoir des références datées dans des œuvres de la culture populaire. 

Aspect nostalgique

Ces différentes esthétiques sont imbriquées dans les souvenirs de chacun·e, intimement reliées à des périodes temporelles. 

La mode du retrogaming, par exemple, permet de retrouver les esthétiques et les pratiques des années 1980-1990, rappelant souvent des souvenirs d’enfance ou l’atmosphère d’une époque. La mobilisation de codes et d’interfaces anciennes permet un ancrage émotionnel fort, souvent utilisé en littérature et arts numériques : le recours à la nostalgie permet en effet de situer le propos dans un environnement informationnel connu (Suominen, 2008). Cette participation à ce qui deviendra une histoire du médium permet de construire l’imaginaire numérique de chaque décennie, renforçant ou appuyant des pratiques après coup.

Codes implicites

Toutes ces caractéristiques se combinent pour former un ensemble de pratiques. Ces habitudes viennent avec leurs codes tacites, dont le non-respect peut placer l’individu en marge du groupe social. Ces codes sont particulièrement importants dans le cadre de communication, comme les échanges de courriels, de textos ou de messages sur les réseaux sociaux, puisqu’ils sont alors directement soumis au regard des autres (Proulx, 2002). 

Ces codes varient, comme dans les autres pans culturels, selon l’âge, les groupes sociaux, professionnels, ou encore selon les centres d’intérêt.

Les codes implicites du numérique varient selon les espaces. Comme dans la vie physique, on ne s’exprime ou n’agit pas de la même façon au travail et en famille, dans une salle de classe et chez soi. Il en va de même pour les espaces numériques. Selon les plateformes, les codes évoluent, comme la longueur des messages ou les habitudes de signalement (la présence d’une signature, par exemple).


À retenir :

La culture numérique n’est pas un monolithe figé, mais bien un ensemble de pratiques et de dimensions changeantes, propre à tout un chacun.

Les différents aspects de la culture numérique sont perméables : les aspects haptiques viennent nourrir l’esthétique développée, les esthétiques passées nourrissent la nostalgie et certains retours de pratiques, par exemple. 

La maitrise ou la bonne connaissance d’une part de la culture numérique ne garantit pas l’expertise dans sa diversité : de nombreux groupes se spécialisent dans certains aspects de cette culture. Ces connaissances pointues sont souvent le produit de la convergence de facteurs générationnels, sociaux, culturels, etc., et, bien sûr, d’intérêts individuels. Chacun·e se retrouve donc dans une position unique par rapport à ce corpus.

Comment citer cette page :
Vallières, A. et E. Lescouet. (2023, 24 mars). Fiche concept sur la Culture numérique. Lab-yrinthe. https://lab-yrinthe.ca/education/culture-numerique