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Accessibilité

Fiche concept rédigée par Pierre-Yves Houlmont et Emmanuelle Lescouet

Accessibilité du livre numérique

L’accessibilité est un droit aussi fondamental que celui de garantir un accès à la lecture à tous·tes. Pour cela, plusieurs organismes se sont intéressés très tôt à l’accessibilité du livre numérique en réadaptant, lorsque c’était possible ou nécessaire, les règles d’accessibilité des contenus Web.

Le premier fut le Word Wide Web Consortium (W3C), l’organisme de normalisation dont le rôle est d’élaborer les recommandations pour les technologies du Web et sur lesquelles le format EPUB repose. En 2008, il a publié un document de spécifications, le Web Content Accessibility Guidelines 2.0 (WCAG), lequel fournit des directives utiles, bien que les spécifications ne soient pas spécifiques aux livres numériques au format EPUB.

Par la suite, en 2014, l’International Digital Publishing Forum (IDPF), l’organisation responsable de la normalisation du format EPUB, a publié les spécifications dans l’EPUB Accessibility 1.0, où sont définies les « pratiques efficaces » afin de rendre les livres numériques au format EPUB accessibles aux personnes ayant des difficultés de lecture du fait d’un handicap visuel, moteur ou cognitif, ou de troubles de lecture, comme la dyslexie.

Plus récemment, en 2017, a été publiée la dernière mise à jour des directives d’accessibilité pour les livres numériques au format EPUB 3 du DAISY Consortium, une organisation internationale axée sur l’accessibilité des contenus numériques pour les personnes atteintes de déficience visuelle ou, plus largement, qui rencontrent des difficultés à lire des livres imprimés.

Le but premier de ces règles, recommandations et directives est de garantir que toutes les personnes, y compris celles ayant des troubles visuels, auditifs, moteurs ou cognitifs, puissent accéder à de l’information et à de la narration d’une manière équitable et inclusive.

Parmi ces avantages, nous pouvons citer :

  • L’inclusion des personnes présentant un handicap : un livre numérique accessible donne la capacité aux personnes ayant diverses déficiences  de lire de manière autonome, sans dépendre d’une version imprimée spécifique ou de l’aide d’une personne (voir Lemieux, 2021).
  • Une compatibilité optimale avec les technologies d’assistance : un livre numérique qui respecte les règles et recommandations en matière d’accessibilité est compatible avec de nombreuses technologies d’assistance, comme les lecteurs d’écran pour les personnes aveugles ou malvoyantes, les synthétiseurs vocaux et également les dispositifs tactiles tels que les tablettes adaptées aux personnes éprouvant des difficultés motrices.
  • Une meilleure flexibilité de lecture : l’accessibilité ne se limite pas seulement à rendre disponible un contenu, elle rend la lecture plus flexible pour tous·tes les lecteurs·rices, et ce, qu’iels utilisent des aides techniques ou non. Cela inclut des fonctions telles que le choix du type et de la taille de la police de caractères, mais aussi la personnalisation de nombreux autres paramètres d’affichage du contenu, comme les marges, les interlignes, les couleurs de fond, etc.
  • La possibilité d’explorer: un livre numérique accessible doit pouvoir être exploré sur différentes plateformes. Puisque l’EPUB est un format standard et ouvert, il peut être utilisé sur une très grande variété de dispositifs de lecture et d’applications. C’est le respect des règles et recommandations destinées au contenu accessible qui garantit que celui-ci soit adaptable et ajustable, quel que soit l’appareil ou le système utilisé.
  • Un code bien écrit : un livre numérique accessible convenablement structuré et sémantisé est, par essence, préparé pour s’adapter à de possibles mises à jour, puisque les éléments accessibles doivent être conservés.

Le WCAG est donc la norme la plus élémentaire à respecter pour rendre un livre numérique au format EPUB accessible. Dans sa forme la plus simple, le WCAG décrit quatre exigences pour le contenu :

  1. Perceptible : les utilisateurs·rices doivent être en mesure de lire tous les contenus, y compris les contenus présentés visuellement et qui servent la narration.
  2. Utilisable : les lecteurs·rices doivent avoir la capacité de naviguer au sein d’un livre numérique au format EPUB et de trouver aisément du contenu, ce qui est possible grâce à des balises sémantiques correctement positionnées au sein du contenu.
  3. Compréhensible : le contenu doit être lisible et parfaitement compréhensible tant par l’humain que les dispositifs et applications afin que le livre numérique puisse fonctionner de façon similaire sur une grande variété de plateformes et d’applications de lecture.
  4. Robuste : le contenu doit pouvoir être interprété sémantiquement  par les logiciels et applications de lecture, ainsi que par les technologies d’assistance embarquées au sein des dispositifs de lecture. Pour cela, les livres numériques au format EPUB doivent intégrer des balises sémantiques et des rôles ARIA précis et correctement positionnés.

Voici quelques-uns des éléments opérationnels ainsi que quelques-unes des règles qu’un livre numérique au format EPUB doit satisfaire : 

  • Utiliser le format EPUB 3, qui est spécifiquement pensé et adapté pour les livres numériques accessibles, notamment avec la prise en charge du HTML 5. En matière d’accessibilité, le format de référence est le format EPUB 3 reformatable (reflowable).
  • Avoir un contenu ajustable, en utilisant des règles CSS inclusives qui n’empêchent pas le changement de taille de la police, par exemple.
  • Rendre les images « lisibles » à tous·tes en accompagnant les images d’un texte descriptif alternatif, à la fois complet et pertinent.
  • La langue du texte doit impérativement être documentée dans chacune des sections afin de permettre aux technologies de syntonisation d’utiliser la prononciation appropriée. Lorsqu’un texte comporte des mots, phrases ou paragraphes dans une autre langue que la langue principale, celle-ci doit également être documentée.
  • Le livre numérique doit comporter une table des matières interactive et exhaustive, qui doit permettre au·à la lecteur·rice de naviguer facilement à travers toutes les sections ou chapitres du livre.
  • Les notes de bas de page doivent impérativement être liées au contenu auquel elles se rapportent à l’aide de liens internes.
  • Le contenu du livre numérique doit être structuré à l’aide de balises spécifiques, telles que <section>, et de l’attribut « epub:type ». Ces balises et ces attributs doivent être positionnés dans chacune des sections du fichier EPUB. L’utilisation des rôles ARIA est également fortement conseillée.
  • La hiérarchie des sections et des titres doit également être respectée.
  • Les métadonnées doivent être correctement insérées. Elles sont utilisées afin d’informer le public sur les renseignements de base d’un livre numérique. Généralement, elles indiquent : le ou les noms du ou des auteurs·rices, le titre de l’ouvrage, la langue principale utilisée, son résumé, l’année de publication, l’ISBN, l’éditeur·rice, l’image de couverture à afficher, pour ne citer que les principales.
    À ces métadonnées, s’ajoutent celles liées à l’accessibilité, telles que celles qui spécifient comment la publication peut être lue, qui indiquent les modes de lecture suffisants à la lecture, et qui mentionnent les fonctionnalités d’accessibilité disponibles. Ces métadonnées peuvent également indiquer la présence d’un texte alternatif, la possibilité de modifier l’affichage du contenu textuel, la présence d’une navigation structurée, la présence éventuelle d’une narration audio synchronisée, etc. L’outil Ace de Daisy permet aux éditeurs·rices d’ajouter ces métadonnées d’accessibilité à leurs livres numériques au format EPUB.

Il est à noter que plusieurs pays ont adopté des réglementations obligeant les éditeurs·rices à proposer des livres numériques répondant aux règles élémentaires d’accessibilité. L’Europe imposera, à partir du 28 juin 2025, à tout·e éditeur·rice ou distributeur de se conformer à son Acte européen sur l’Accessibilité, s’iel souhaite vendre des ouvrages numériques sur le territoire européen Il ne sera, par exemple, plus possible de proposer un ouvrage au format EPUB 2.

Sources des normes de référence :

Accessibilité du jeu vidéo

Dans le domaine du jeu vidéo, la thématique de l’accessibilité gagne également en popularité, notamment en raison de la position avantageuse des jeux vidéos au sein des industries culturelles et de la nécessité de rendre accessibles les contenus culturels au plus grand nombre (Aguado-Delgado et al., 2020). Les pratiques de développement de jeux vidéos ont très vite été influencées par les approches classiques en études Interaction humain-machine et ont longtemps conservé une orientation techniciste (Triclot, 2011). Nombre d’ouvrages ont tenté de déconstruire l’objet jeu vidéo d’un point de vue structurel, délaissant souvent les implications culturelles et sociétales (Hansen, 2023). Aujourd’hui, on assiste à un basculement des discussions sur les enjeux principaux des interactions humain-machine et sur la conception de jeux vidéos, lesquels prennent toujours davantage en considération l’humain dans toute sa diversité (Agre, 1997 ; Harrison et al., 2011). Ainsi, du game design basant ses pratiques sur les implications commerciales et techniques, nous voyons émerger un game design sensible aux valeurs (value-sensitive design), prenant de ce fait en compte le contexte culturel, environnemental et social du jeu vidéo (Cairns et al., 2021).

Garantir l’accessibilité du jeu vidéo au plus grand nombre nécessite de prendre en considération les dimensions qui caractérisent l’engagement et la motivation des joueur·euse·s, comme les désirs de performance, d’agentivité, de socialisation, d’évasion, etc. (ibid.). Nous pouvons souligner deux approches principales : la conception de dispositifs technologiques et l’implémentation de bonnes pratiques de développement d’un point de vue informatique  (Garber, 2013 ; Grammenos, 2007).

Tout d’abord, nous pouvons citer le développement de dispositifs technologiques permettant aux personnes en situation de handicap physique de jouer, comme la Xbox Adaptive Controller chez Microsoft, la Flex Controller pour les consoles chez Nintendo ou encore la Manette Access développée par Sony pour le jeu sur PlayStation 5. Ces périphériques répondent au besoin d’accessibilité des personnes en situation de handicap physique et doivent s’accompagner de pratiques de conception spécifiques, comme la mise en place d’une possibilité de reconfigurer les touches à loisir concernant les jeux vidéos sur consoles, ce qui n’est pas toujours le cas.

La Flex Controller pour les consoles Nintendo |Source : Pretorian Technologies 
La Manette Access de Sony | Source : Sony Interactive Entertainment
La Xbox Adaptive Controller | Source : Microsoft

Ensuite, le développement de jeux vidéos doit en lui-même faire l’objet d’une attention particulière. En effet, la parution de certains jeux, comme ceux de la série Dark Souls, porte-étendard des jeux considérés comme volontairement difficiles, c’est-à-dire des jeux qui requièrent une grande maitrise des contrôles du jeu et une parfaite connaissance des attaques et déplacements habituels des ennemis, a fait couler beaucoup d’encre et a mis en lumière un manque important d’accessibilité du côté des jeux en eux-mêmes. À ce propos, un guide des bonnes pratiques a été mis en place à l’initiative de studios de développement et de spécialistes en accessibilité, comme Barrie Ellis, fondateurice de Oneswitch, un site Web qui recense des informations sur les technologies favorisant l’accessibilité, ou Gareth Ford-Williams, ancien responsable en accessibilité à la BBC. Les pratiques sont classées à la fois selon leur difficulté d’implémentation et selon les situations de handicap auxquelles elles répondent (moteur, cognitif, visuel, auditif, communicationnel).

Le guide des bonnes pratiques classe les pratiques selon leur difficulté d’implémentation: 

Basique : Il s’agit des pratiques en conception de jeux vidéos basiques dont la mise en place est simple et qui s’appliquent à la plupart des mécanismes de jeux, comme la possibilité de reconfigurer les touches des périphériques, de faciliter la navigation au sein des divers menus du jeu, de mettre en place des sous-titres pour les textes importants ou encore mettre à disposition plusieurs niveaux de difficulté. Ces options, une partie d’entre elles à tout le moins, sont généralement présentes dans la plupart des jeux vidéos d’aujourd’hui.

Intermédiaire : Il s’agit des pratiques de conception de jeux vidéos intermédiaires dont la mise en place nécessite non seulement une préparation en amont, mais également des ressources disponibles pour les implémenter. Ces mesures ne sont pas toujours compatibles avec toutes les mécaniques de jeu. Parmi ces mesures, on peut citer, par exemple, la possibilité de réorganiser l’interface visuelle, de garantir la compatibilité du jeu avec plusieurs périphériques de contrôle, l’inclusion de systèmes de guidage concernant les objectifs ou encore l’implémentation de sous-titres pour les textes non essentiels. Le jeu massivement multijoueur World of Warcraft constitue un bon exemple d’intégrations progressives de telles mesures. En 2004, World of Warcraft ne disposait de quasiment aucun guidage pour l’accomplissement des objectifs du jeu, les joueurs·euses devaient se baser uniquement sur les descriptions textuelles des objectifs pour s’orienter. Au gré des nouvelles versions, des repères ont été ajoutés dans le jeu pour chaque objectif, et de manière générale, il est désormais possible de revoir intégralement la disposition de l’interface. 

Carte avec guidage dans World of Warcraft | Source : Capture d’écran de World of Warcraft

Avancée : Il s’agit des pratiques de conception de jeux vidéos avancées dont la mise en place nécessite des ressources importantes, des connaissances avancées concernant les types de handicaps spécifiques et qui s’adresse à une niche de joueurs·euses. Parmi ces mesures, on retrouve la mise à disposition d’alternatives en cas d’actions difficiles à réaliser, la possibilité de modifier la taille des textes de l’interface ou encore la possibilité de réécouter tous les textes (narratifs ou techniques). Le jeu Celeste, développé par Extremely OK Games, intègre diverses possibilités de personnalisation de l’expérience, comme le ralentissement de la vitesse de jeu, l’invincibilité de l’avatar ou l’option pour sauter les parties du jeu trop compliquées. 

Celeste | Source : IGDB

Comment citer cette page :
Houlmont, P.-Y. et E. Lescouet. (2023, 13 mars). Fiche concept sur l’Accessibilité. Lab-yrinthe. https://lab-yrinthe.ca/education/accessibilite/